🕊 L’histoire du jeûne
Article du 27/06/2025 par le Centre Eco-Jeûne Pays Bigouden
Par Eliane BARAT,
Directrice du Centre Eco-Jeûne Pays Bigouden
Le mot jeûne vient du verbe latin "jejunare", qui signifie « faire abstinence » ou « refuser de se nourrir ». Dans le langage courant, il désigne la privation volontaire de nourriture, parfois associée à une démarche de purification ou de recentrage sur soi.
De la préhistoire à nos jours, en passant par les grandes traditions religieuses et philosophiques, le jeûne traverse les cultures et les époques. Pratiqué tantôt par nécessité, tantôt par choix spirituel, hygiéniste ou thérapeutique, il connaît aujourd’hui un regain d’intérêt, à la lumière de découvertes scientifiques récentes.
🌿 Les origines : un mode de vie ancestral
Bien avant d’être une pratique intentionnelle, le jeûne faisait partie intégrante de la vie des chasseurs-cueilleurs. L’accès irrégulier à la nourriture imposait des périodes d’abondance alternant avec des périodes de disette. Le corps humain s’est adapté à cette réalité en développant des mécanismes métaboliques spécifiques, comme la cétogenèse, qui permet d’utiliser les graisses comme source d’énergie lorsque les glucides sont absents.
🏛 Dans l’Antiquité : entre spiritualité, philosophie et soin
- En Inde, dès le IVe siècle avant J.-C., le Mahâbhârata – texte sacré de l’hindouisme – mentionne le jeûne comme outil de purification et de sagesse.
- En Égypte ancienne, le jeûne accompagnait certains rituels religieux et symbolisait la pureté du corps et de l’âme.
- En Grèce antique, le jeûne était pratiqué pour améliorer la discipline, la réflexion et parfois la performance physique :
- Pythagore aurait jeûné 40 jours pour « purifier son esprit » avant d’intégrer une école philosophique.
- Hippocrate, considéré comme le père de la médecine, recommandait parfois le jeûne pour soutenir les processus naturels de guérison, affirmant que “lorsque l’homme est malade, manger nourrit son mal”.
- Platon et Socrate auraient jeûné régulièrement pour développer leur clarté mentale.
- À Rome, des médecins comme Claude Galien évoquent les effets du jeûne prolongé sur l’équilibre du corps, bien que leurs théories soient aujourd’hui dépassées.
🕯 Au Moyen Âge : le jeûne prescrit comme remède
Durant cette période, certains médecins médiévaux considèrent le jeûne comme un moyen de traiter divers maux. Il était parfois prescrit sur plusieurs semaines, bien que ces pratiques ne reposent pas sur des données scientifiques modernes.
🛐 Le jeûne dans les traditions religieuses
- Judaïsme : Yom Kippour, jour du Grand Pardon, impose un jeûne de 25 heures pour favoriser la purification et la rédemption.
- Christianisme : Inspiré du jeûne de Jésus dans le désert, le Carême marque une période de modération alimentaire et de réflexion intérieure.
- Islam : Durant le mois sacré du Ramadan, les fidèles jeûnent du lever au coucher du soleil. Cette pratique vise à développer la piété, la maîtrise de soi et la solidarité.
- Hindouisme & Bouddhisme : Le jeûne y est couramment pratiqué comme acte de dévotion ou de recherche spirituelle, parfois pour honorer certaines divinités ou progresser vers l’illumination.
🔬 Du XVIIIe au XXe siècle : retour progressif dans la médecine naturelle
- Frédéric Hoffmann, médecin du roi de Prusse, évoque au XVIIIe siècle la modération et le jeûne comme facteurs de santé.
- Aux XIXe et XXe siècles, des médecins comme John Tilden (USA), Paul Carton, André Passebecq ou encore Jean-Pierre Willem en France, défendent une approche hygiéniste : alimentation saine, repos et parfois jeûne.
(⚠️ Ces approches, bien que influentes à leur époque, ne correspondent pas aux protocoles médicaux validés par les autorités de santé aujourd’hui.)
🧪 À l’ère contemporaine : la science s’y intéresse à nouveau
Depuis quelques décennies, des recherches scientifiques s'intéressent aux effets physiologiques du jeûne, dans des cadres encadrés :
- En Russie et en Allemagne, certaines cliniques proposent des programmes de jeûne supervisé à visée thérapeutique, souvent pour des pathologies chroniques. Ces pratiques ne sont pas reconnues comme traitement médical en France.
- Le Dr Otto Büchinger fonde en 1953 une clinique de jeûne en Allemagne, encore active aujourd’hui. D’autres centres similaires existent ailleurs dans le monde.
- Le jeûne intermittent (alternance entre phases d’alimentation et de jeûne) devient populaire pour ses effets étudiés sur la gestion du poids, la régulation métabolique et la longévité.
- En 2014, le chercheur Valter Longo met en lumière les effets d’un jeûne encadré sur les cellules souches et la régénération immunitaire, dans des études encore en cours.
- Le prix Nobel de médecine 2016 est attribué au Dr Yoshinori Ohsumi, pour ses recherches sur l’autophagie – un mécanisme de nettoyage cellulaire favorisé par le jeûne.
(🧬 Ces recherches, bien qu’encourageantes, nécessitent des précautions : elles ne valident pas un usage systématique du jeûne comme traitement, mais ouvrent la voie à des applications futures, encadrées par la science.)
✨ Conclusion
Le jeûne, longtemps perçu comme une contrainte ou un acte religieux, est aujourd’hui redécouvert comme un outil d’hygiène de vie, à la croisée de traditions anciennes et de recherches modernes.
S’il est pratiqué avec discernement, dans un cadre adapté et sécurisé, le jeûne peut représenter une occasion de recentrage, de régénération et de prise de conscience du lien entre le corps, l’esprit et l’environnement.